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L'importance de statuts précis et adaptés lors de l'acquisition d'un fonds de commerce

Si les aspects commerciaux et financiers mobilisent naturellement l’attention des acquéreurs au cours de l’acquisition d’un fonds de commerce, la rédaction des statuts de la société qui exploitera ce fonds mérite une vigilance tout aussi soutenue. Loin d’être une simple formalité administrative, l’établissement de statuts précis et adaptés représente un acte fondateur aux implications multiples et durables.

Des statuts sur-mesure plutôt que des modèles génériques

La tentation est grande pour les entrepreneurs pressés d’utiliser des modèles de statuts standards, facilement accessibles sur internet. Cette approche, apparemment économique, peut s’avérer coûteuse à terme.

« En reprenant une brasserie avec mon associé, nous avions opté pour des statuts types téléchargés en ligne. Six mois plus tard, notre relation s’est détériorée et nous nous sommes retrouvés dans une impasse juridique que des statuts personnalisés auraient pu éviter, » confie Thomas Pommier, restaurateur.

Selon une étude de l’Ordre des experts-comptables, 71% des litiges entre associés survenant dans les deux premières années d’exploitation trouvent leur origine dans des statuts inadaptés ou imprécis.

L'objet social : un enjeu stratégique et fiscal

L’objet social définit le périmètre des activités que la société est autorisée à exercer. Sa rédaction doit donc être suffisamment large afin de permettre une évolution de l’activité sans modification statutaire ultérieure, tout en restant cohérente avec l’activité principale envisagée.

Le capital social : une question d'équilibre

La détermination du montant du capital social résulte d’un arbitrage entre plusieurs considérations :

  • La crédibilité vis-à-vis des partenaires commerciaux et financiers, un capital significatif inspirant généralement davantage confiance.
  • L’impact fiscal, notamment dans le cadre d’une SAS ou SARL, où le niveau de capital peut influencer le régime social du dirigeant.
  • La protection du patrimoine personnel des associés, particulièrement dans les sociétés à responsabilité limitée.
  • Les besoins financiers réels de l’entreprise pour démarrer son exploitation.

La répartition du capital entre associés appelle aussi une réflexion approfondie, puisqu’elle détermine la distribution du pouvoir au sein de la société ainsi que les droits aux bénéfices de chacun.

Les clauses statutaires essentielles à personnaliser

Plusieurs clauses méritent une attention particulière lors de la rédaction des statuts :

  1. Les modalités de prise de décision : le quorum, la majorité requise pour les décisions ordinaires et extraordinaires, la liste des décisions nécessitant l’unanimité.
  2. Les conditions d’agrément des nouveaux associés : la procédure à suivre en cas de cession de parts, les modalités de calcul du prix des parts cédées.
  3. Les clauses d’exclusion : les cas dans lesquels un associé pourra être exclu de la société, la procédure applicable ainsi que les modalités d’indemnisation.
  4. Les clauses de préemption et de sortie forcée : définissant les conditions dans lesquelles un associé peut être contraint de céder ses parts ou peut forcer les autres à racheter sa participation.
  5. La valorisation des parts sociales ou actions : méthode de calcul en cas de cession, intégrant ou non les éléments incorporels comme la clientèle ou le droit au bail.
  6. La gestion des situations de blocage : les procédures de médiation, l’arbitrage ou le recours à un tiers en cas d’opposition irréductible entre associés.

L'articulation avec le pacte d'associés

Si les statuts constituent le document fondateur officiel et public de la société, certaines dispositions sensibles ou confidentielles peuvent être consignées dans un pacte d’associés séparé.

Ce document complémentaire permet notamment d’organiser plus finement les relations entre associés, de prévoir des engagements de non-concurrence, des promesses de cession future ou encore des clauses de liquidité. Sa rédaction devra être parfaitement coordonnée avec la rédaction des statuts pour éviter toute contradiction.

La nécessaire adéquation avec la convention de cession

La rédaction des statuts de la société acquéreuse doit également tenir compte des engagements pris dans la convention de cession du fonds de commerce, notamment :

  • Les clauses de non-concurrence imposées au cédant.
  • Les garanties de passif accordées par le vendeur.
  • Les éventuels compléments de prix conditionnés par les performances futures du fonds.
  • Les modalités de collaboration future si le cédant reste impliqué dans la gestion pendant une période transitoire.

Cette coordination entre les documents contractuels est essentielle pour assurer la cohérence juridique de l’opération d’acquisition.

L'impact des statuts sur le financement de l'acquisition

Les établissements financiers sollicités pour le financement de l’acquisition examinent attentivement les statuts de la société acquéreuse. Certaines dispositions peuvent faciliter ou au contraire compliquer l’obtention des prêts nécessaires :

  • La possibilité statutaire d’émettre des obligations ou des titres participatifs peut élargir les options de financement.
  • Les clauses relatives à la distribution des dividendes intéressent particulièrement les prêteurs, soucieux de la capacité de remboursement future de l’entreprise.
  • La gouvernance décrite dans les statuts est analysée pour évaluer la stabilité de la direction et la qualité de la prise de décision.

L'anticipation des évolutions futures

Des statuts bien conçus doivent également anticiper les évolutions prévisibles de l’entreprise :

  • La transmission familiale éventuelle.
  • L’entrée possible de nouveaux investisseurs.
  • L’extension géographique de l’activité.
  • La diversification des métiers exercés.
  • L’évolution de la forme juridique (transformation en société anonyme, introduction en bourse…).

Cette dimension prospective permet d’éviter des modifications statutaires fréquentes, sources de coûts et de complexité administrative.

Le recours indispensable aux professionnels du droit

La rédaction de statuts adaptés nécessite l’intervention de professionnels qualifiés – avocat spécialisé en droit des sociétés, notaire ou expert-comptable selon les cas. Leur expertise permet non seulement d’éviter les pièges juridiques et fiscaux, mais également d’optimiser la structure sociétaire en fonction du projet entrepreneurial spécifique.

L’investissement dans un conseil juridique de qualité lors de cette phase constitutive représente une assurance contre des complications futures potentiellement bien plus coûteuses. L’économie réalisée sur les honoraires d’un professionnel peut rapidement se transformer en surcoût énorme si des contentieux surviennent ultérieurement.

L’établissement de statuts précis et adaptés constitue donc une étape importante dans le processus d’acquisition d’un fonds de commerce. Bien plus qu’une simple formalité administrative, il s’agit d’un exercice stratégique qui conditionnera durablement le fonctionnement, la gouvernance et parfois même la pérennité de l’entreprise. La prudence ainsi que la précision dans cette démarche fondatrice sont les meilleurs garants d’un développement pérenne et sécurisé de l’activité reprise.